Film japonais
Titre original : Kumonosu jo
Genre : ambition démesurée
Durée : 1h50
Scénario : Akira Kurosawa, Shinobu Hashimoto, Ryuzo Kikushima et Hideo Oguni, d’après l’œuvre de William Shakespeare
Musique : Masaru Satô
Avec Toshirô Mifune (Le général Taketori Washizu), Minoru Chiaki (Le général Yoshiaki Miki), Isuzu Yamada (Asaji), Akira Kubo (Yoshiteru), Takamaru Sasaki (Le seigneur Kuniharu Tsuzuki)…
Synopsis : dans le Japon du XVIe siècle, deux généraux, Taketori Washizu et Yoshiaki Miki, sont perdus dans les brumes et la forêt au retour d'une bataille victorieuse. Ils rencontrent une sorcière qui leur prédit que Washizu deviendra commandant du fort septentrional et succédera à son seigneur Kuniharu Tsuzuki. Cependant, ce sera Yoshiteru, le fils de son ami Miki, qui régnera.
Mon avis : quand théâtres élisabéthains et Nô se rejoignent
Passionné par William Shakespeare, le grand Akira Kurosawa ne pouvait manquer d’adapter l’une des pièces maîtresse du maître anglo-saxon, à savoir Macbeth. Oui mais comment se distinguer ? Et surtout comment le rendre plus accessible au public japonais ? C’est là que lui vint la brillante idée de mêler à l’intrigue classique une mise en scène empruntée au théâtre Nô, cet art lyrique très codifié qui mêle musique, danse et poésie. Si Kurosawa n’utilise pas ces trois expédients, il n’en garde pas moins dans ce Château de l'araignée quelques uns des usages de l’ancien art nippon.
L’histoire on la connaît : Washizu/Macbeth, après une brillante victoire, se voit prophétiser un grand destin par non pas trois sorcières comme dans le drame de Shakespeare mais une seule. Seulement voilà, Miki, son fidèle compagnon, qui l’accompagne alors, se voit prédire un plus grand destin, tout du moins pour sa descendance. Enfer et damnation, Washizu doit-il croire ces prophéties funestes ? Et pourquoi sa félonne d’épouse lui susurre-t-elle à l’oreille ce que dans son for intérieur lui-même n’ose pas s’avouer ?
Bref vous l’aurez compris, la trame de la pièce originale est fidèlement reprise dans Le château de l'araignée. Kurosawa ne se permettant d’omettre ou de modifier que certains passages qui ne relèvent pas du cœur même de l’intrigue. Et comme dans la pièce, le personnage le plus fascinant est ici aussi Asaji, l’épouse de Washizu. C’est elle l’incarnation du mal, celle qui poussera le héros brave mais par trop influençable du début à une déchéance fatale. C’est Isuzu Yamada, une des plus grandes actrices japonaises de l’époque, qui l’interprète. Son visage blanc sans expression et sa démarche spectrale, empreints au théâtre Nô, marquent fortement l’esprit du spectateur.
L’immense Toshirô Mifune, fidèle parmi les fidèles d' Kurosawa, incarne quant à lui Washizu. On voit sur son visage toute la gamme d’émotion qui traversent le personnage comme les insanes pensées lui viennent petit à petit, l’amenant tout doucement vers la folie. La scène de banquet où il voit le fantôme de Miki se joindre aux convives et à ce titre prodigieuse d’intensité et de tension. À n’en pas douter, la vieille critique qui opposait à la sortie du film Les cahiers du cinéma et Positif est vraiment obsolète : oui, Le château de l’araignée est un grand film, l’un des meilleurs de son auteur diront même certains.
Ma note : ****