Fiche technique
Film américain
Date de sortie : 1er juin 1956
Genre : naufragés en danger
Durée : 1h36
Scénario : Jo Swerlin, d’après l’œuvre de John Steinbeck
Image : Glen MacWilliams
Avec Tallulah Bankhead (Connie Porter), William Bendix (Gus Smith), Walter Slezak (Willy), John Hodiak (John Kovac), Henry Hull (Charles D. Rittenhouse), Hume Cronyn (Sparks Garrett)…
Synopsis : un navire américain est coulé par un sous-marin allemand. Les survivants gagnent un canot de sauvetage, bientôt rejoints par Willy, un marin appartenant à l'équipage du sous-marin, également naufragé. (allocine)
Mon avis : huis-clos nautique et frissons politiques
La Seconde guerre mondiale déchire le monde occidental en 1943. Alfred Hitchcock décide d’y apporter sa contribution artistique, et demande à John Steinbeck d’écrire un scénario basé sur un article qu’il a lu sur des naufragés. La nouvelle, remodelée car inadaptable au cinéma, deviendra Lifeboat. Soit l’histoire de huit rescapés d’un torpillage d’un cargo par un sous-marin allemand.
Ils sont tous plus différent les uns des autres, s’aiment et se détestent, se méfient l’un de l’autre comme de la peste, et ont d’ailleurs toutes les meilleures raisons du monde de le faire. En cette période de trouble mondial, sur qui peut-on se fier ? Qui est le plus à même de ramener le radeau à bon port ? Et surtout, comme va faire notre bon vieil Alfred pour effectuer sa traditionnelle apparition dans ce long-métrage à déconseiller aux claustrophobe ?
Je laisserai ici cette dernière question sans réponse. Pour le reste, Alfred Hitchcock apporte dans Lifeboat une analyse très aboutie mais aussi sans concession de la situation politique d’alors. Il concentre sur ce petit rafiot entre autres pas moins qu’une prétentieuse et arrogante journaliste, un communiste, un noir, un homme d’affaire qui s’est on s’en doute enrichi avec la guerre, une jeune femme avec son bébé… et un allemand ! Rien qu’avec cette description on imagine aisément les débats d’idées qui vont s’ensuivre.
Et pendant plus d’une heure trente, Alfred Hitchcock ne nous laisse pas une seule minute de répit, multipliant les scènes d’action spectaculaires, les intrigues sentimentales et les tensions dramatiques. Car plus encore qu’un simple défi technique (ce qui est déjà une gageure relevée haut la main), Lifeboat est un film qui amène le spectateur à une subtile réflexion sur le Bien et le Mal, le Droit et la Raison. Loin d’apporter des réponses toutes faites simplement manichéennes ou moralisatrices, tonton Alfred utilise un habile scénario pour mener à bien son délicat travail de manipulation.
Les personnages approfondis de façon excellente permettent aux acteurs de développer un jeu tout en finesse (particulièrement Tallulah Bankhead en superbe peste qui devient peu à peu un peu moins égoïste). Raillé à sa sortie pour sa féroce critique des puissances occidentales en proie au doute au début du conflit, Lifeboat apporte pourtant, et avec des pointes d’humour des plus bienvenues, une réflexion d’une très juste acuité (et force le spectateur à prendre position d’une manière ou d’une autre) sur une situation paroxystique et pourtant oh combien réelle.
Ma note : ****