
Fiche technique
Film japonais, britannique, néo-zélandais
Date de sortie : 1er juin 1983
Titre original : Senjou no Merii Kurisumasu
Genre : insubordination militaire
Durée : 2h02
Scénario : Nagisa Oshima et Paul Mayersberg, d’après l’œuvre de Laurens Van der Post
Image : Toichiro Narushima
Musique : Ryuichi Sakamoto
Avec David Bowie (Jack Celliers), Ryuichi Sakamoto (Le capitaine Yonoi), Tom Conti (John Lawrence), Beat Takeshi (Gengo Hara), Jack Thompson (Le capitaine Hicksley), Johnny Okura (Kanemoto)…
Synopsis : Java 1942 : un soldat anglais défie par une attitude provocante l'officier japonais qui commande le camp ou il est retenu prisonnier. (allocine)
Mon avis : deux mondes qui s'opposent dans l'absurdité de la guerre
Plusieurs sujets prédominent dans la filmographie de Nagisa Oshima, qu’on peut sommairement résumer autour des thématiques du sexe, de la violence et de la mort. Le parfum de scandale de L’empire des sens, œuvre étonnante qui louche vers le Marquis de Sade, saura lui amener les faveurs du public occidental après une carrière déjà imposante. Furyo lui apporte l’occasion de traiter de la Seconde guerre mondiale avec un angle d’approche particulier : ce ne sont pas les combats qui sont ici le propos du film. C’est plutôt l’analyse de la nature humaine, et surtout des différences de cultures étreignant des soldats occidentaux et japonais dans un camp de prisonniers situé à Java.
Dans ce no man’s land viril que constitue ce camp de prisonnier, les hommes n’ont d’autre choix que de se rapprocher. Et quand on est issu de cultures aussi opposées que des britanniques et des japonais, la chose n’est pas aisée. C’est en cela que Furyo (qui signifie « prisonnier de guerre » en japonais, et qui est aussi connu sous son titre américain Merry Christmas, Mr Lawrence), est passionnant. Ne prenant en aucun cas partie pour l’un ou l’autre (les « coutumes » du hara-kiri des soldats japonais sont sobrement mis en parallèle avec celles du bizutage des étudiants britanniques), Nagisa Oshima ne fait que mettre en évidence les points de vue fondamentalement différents des protagonistes sur des sujets tels que l’homosexualité, l’honneur ou le patriotisme.

Le personnage de Lawrence est en cela intéressant car s’il est bilingue il ne comprend pas pour autant mieux la mentalité de ses interlocuteurs, mais fait tout de même preuve de plus de bonne volonté que certains de ses supérieurs rigides. Quant aux rôles principaux de Furyo, ils échouent à deux pop stars, David Bowie et Ryuichi Sakamoto (qui compose l'enivrant thème musical du film). Tous deux d’une troublante androgynie, ils jouent parfaitement au chat et à la souris dans ce rapport de dominant à dominé. Le capitaine Yonoi, d’un sadisme assez impressionnant, n’en revient pas qu’un simple prisonnier puisse lui tenir tête sans vergogne.
Si on ne comprend pas bien pourquoi il l’épargne au début du film, leur relation va petit à petit s’enrichir par de fines touches à peine perceptibles, pour culminer lors d’une scène sublime de mise à mort. Car Furyo, au delà de cette riche opposition entre deux mondes qui s’observent, c’est aussi une réflexion pleine d’humanité sur la guerre. Échoues au milieu de nulle part dans un conflit qui s’éternise et qui va bientôt basculer, ces soldats qui ne se comprennent pas arriveront peut-être à force de se connaître à tisser des liens forts et indéfectibles, victimes qu’ils sont de cette guerre absurde.
Ma note : ****