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En finir avec Eddy Bellegueule (2014) Édouard Louis

par Neil 2 Décembre 2018, 06:26 Bouquins

Fiche technique
Roman français
Date de parution : janvier 2014
Genre : récit autobiographique
220 pages
Édité chez Seuil

4e de couverture : En vérité, l'insurrection contre mes parents, contre la pauvreté, contre ma classe sociale, son racisme, sa violence, ses habitudes, n'a été que seconde. Car avant de m'insurger contre le monde de mon enfance, c'est le monde de mon enfance qui s'est insurgé contre moi. Très vite j'ai été pour ma famille et les autres une source de honte, et même de dégoût. Je n'ai pas eu d'autre choix que de prendre la fuite. Ce livre est une tentative pour comprendre.


Mon avisÊtre né quelque part, pour celui qui est né, c'est toujours un hasard

Quand Édouard Louis publie En finir avec Eddy Bellegueule, il a 21 ans. Étudiant en sociologie à l'École normale supérieure de Paris, c'est un disciple de Didier Eribon qui fut son professeur à Amiens et qui publia cinq ans plus tôt Retour à Reims. Le livre est un succès en librairies, et créé assez rapidement la polémique. Beaucoup expliquent ce succès inattendu par le contexte social. Depuis la fin 2012 en France, plusieurs manifestations sont organisées par le pour et les anti « mariage pour tous ». Les contestations se poursuivent après la promulgation de la loi, le 17 mai 2013, date symbolique puisqu'il s'agit de la Journée internationale contre l'homophobie et la transphobie. Or, le sujet du livre d'Édouard Louis, c'est, entre autre chose, les brimades homophobes dont l'auteur a été victime durant son enfance, dans un village de Picardie.

Le jeune Eddy se trouve dans un couloir de son collège quand deux garçons lui crachent à la figure. L'un est grand, a des cheveux roux, l'autre est petit, et a le dos voûté. « Prends ça dans ta gueule », lui lance le grand aux cheveux roux. Eddy ne sait pas comment réagir, il se trouve démuni face à cette violence. Il a peur de la réaction de ses agresseurs ; pourtant, la violence, il est habitué à la regarder, entre son père qui, bourré, provoque d'autres hommes, et son frère qui ne manque jamais un prétexte pour affirmer sa virilité. Oui mais voilà, Eddy a 10 ans, il a envie de se faire des amis, et ne s'attendait pas, quand il a vu s'approcher ces deux garçons, qu'ils allaient s'en prendre à lui. Mais la première chose qu'ils lui demandent c'est : « C'est toi le pédé ? », une phrase que le jeune homme ne cessera de ressasser durant son adolescence.

La lecture d'En finir avec Eddy Bellegueule ne laisse pas indifférent. D'abord par la violence avec laquelle Édouard Louis raconte les agressions et les insultes homophobes dont il a été victime durant toute son enfance. Il n'épargne rien au lecteur, tout comme ses prétendus amis (il écrit toujours le mot ami en italique pour bien insister sur ce point), et même sa famille, n'épargnaient rien au garçon qu'il était. Puis par la description sèche d'un milieu ouvrier dont on ne parle pas quotidiennement dans la littérature contemporaine.

On a le sentiment qu'Édouard Louis s'adresse à des élites pour leur montrer l'existence de ce lumpenprolétariat, ces déclassés qui ne se rendent pas compte de la violence symbolique qu'ils exercent parfois envers leurs semblables dont ils n'acceptent pas la différence, et qui ne peuvent pas s'imaginer s'extraire de leur milieu. Tout comme le petit Eddy, qui va mettre longtemps avant de se faire nommer Édouard. Car En finir avec Eddy Bellegueule, c'est un regard rétrospectif sur une enfance que l'auteur vient tout juste de quitter. On s'étonne de cette constante ambivalence de ce jeune homme tiraillé entre son milieu d'origine et celui qu'il a intégré.

Car Édouard Louis se définit comme un transfuge de classe, se revendiquant de Pierre Bourdieu, et on a l'impression en lisant En finir avec Eddy Bellegueule qu'il a honte à la fois de son milieu d'origine et de sa trajectoire personnelle, comme si au fond de lui persistait le sentiment de sa propre trahison. L'écriture balance sans cesse entre une préciosité parfois maladroite lorsqu'il analyse ses mésaventures et une rudesse lorsqu'il cite, dans des verbatim aux accents sociologiques assez lourds, les propos des membres de sa famille. Ce qui rend le récit, présenté comme un roman, parfois indigeste malgré la force incontestable de son propos.


Ma note : **

En finir avec Eddy Bellegueule  (2014) Édouard Louis
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