Millenium 5 – La fille qui rendait coup pour coup (2017) David Lagercrantz

Fiche technique
Roman suédois
D’après les personnages créés par Stieg Larsson
Titre original : Mannen som sökte sin skugga
Date de parution : 7 septembre 2017
Genre : suite intutile
399 pages
Édité chez Actes sud
Éditeur original : Norstedts Förlag

4^e de couverture : Lisbeth Salander vient de sauver un enfant autiste, mais est incarcérée dans une prison de haute sécurité pour mise en danger de la vie d’autrui. Lorsqu’elle reçoit la visite de son ancien tuteur, Holger Palmgren, les ombres d’un passé qui continue à la hanter resurgissent. Quelqu’un a remis à Palmgren des documents confidentiels susceptibles d’apporter un nouvel éclairage sur un épisode traumatique de son enfance.

Mon avis : Orange is the new Millenium

Sorti à la rentrée littéraire de 2017, Millenium 5 – La fille qui rendait coup pour coup a été d'emblée un succès. Alors que 400 000 exemplaires du roman inondaient initialement les rayons des librairies, l’ouvrage a pris dès sa sortie la tête du classement des meilleurs ventes de livres en France. Aux dernières nouvelles, près de 250 000 exemplaires auraient été vendus, rien que pour l'Hexagone. Car la saga est un phénomène mondial, et devient un produit de consommation standardisé ; on se demande d'ailleurs pourquoi une adaptation cinématographique n'est pas encore en route. Peut-être parce que Millenium : Ce qui ne me tue pas n'a pas été le succès escompté par ses producteurs. Reste qu'on ne s'en sort finalement pas si mal, même si à en croire la fin du roman, on peut malheureusement présager la préparation d'un volume 6.

En prison, Lisbeth Salander s'entraîne toujours autant à la boxe. Un soir, après une séance, le surveillant Alvar Olsen essaye de lui parler mais elle ne l'écoute pas. Elle s'inquiète pour Faria Kazi, une prisonnière originaire du Bangladesh qui se fait agresser par la violente Benito Andersson, la caïd du bloc B. Quand elle retourne dans sa cellule, elle retrouve dans ses mains les feuilles qu'Alvar Olsen lui a discrètement fait passer. Il s'agit d'un test de QI dont elle n'a cure : condamnée pour atteinte à la personne, elle comptait profiter de ces moments de relative tranquillité pour travailler ses calculs sur la mécanique quantique. Mais son ancien tuteur Holger Palmgren est venu lui rendre visite, ce qui l'a perturbée : il lui a dit qu'il avait récupéré des documents provenant de la clinique Sankt Stefan, où elle avait il y a fort longtemps été internée.

La première partie de Millenium 5 – La fille qui rendait coup pour coup est donc visiblement largement inspirée d'Orange is the new black. Mêmes codes, mêmes intrigues de gangs, même féminisme ostensiblement affiché : pour qui a vu ne seraient-ce que quelques épisodes de la série, on navigue en terrain connu. On ne sera pas étonné de constater que bien entendu Lisbeth Salander, la nouvelle venue, fait parler d'elle, au-delà du fait qu'elle a déjà sa petite réputation. Et comme de par hasard, sa cellule va se retrouver à côté de celle d'une pauvre victime qu'elle va tout faire pour sauver. Ce cinquième tome des aventures de Millenium va donc être centré sur Lisbeth, devenue mythique car son identité mystérieuse a doucement et délicatement été forgée depuis le début de la saga.

Or dans Millenium 5 – La fille qui rendait coup pour coup, rien de tel : Lisbeth n'a plus rien à dévoiler. Elle apparaît dès le début comme une super-héroïne incassable et même si on se doute qu'il va lui arriver quelques babioles, on sait qu'elle va forcément s'en sortir. Alors l'auteur essaye tant bien que mal à entretenir le suspense sur ses origines et lui invente un passé victimaire encore plus douloureux que ce qu'on ne savait déjà. Se construit alors, en parallèle de l'intrigue sur cette pauvre petite réfugiée bangladaise, une histoire de jumeaux utilisés par une organisation un brin fasciste pour mener sur eux des expérimentations soit-disant scientifiques. On navigue ainsi entre les deux narrations, avec au milieu Mikael Blomqvist et l'inspecteur Jan Bublanski, toujours fidèles au poste.

Rien de neuf au Royaume de Suède donc, et le pire c'est que Millenium 5 – La fille qui rendait coup pour coup ne parvient même pas à nous captiver, malgré cette double intrigue vaguement intéressante sur le papier. Le style de David Lagercrantz est toujours aussi lourd et on s'ennuie ferme durant les quasi 400 pages du roman. Pire, l'auteur parvient à vider de leur substance les personnages de la saga : ils ne deviennent que des stéréotypes d'eux-mêmes et d'elles-mêmes. Lisbeth Salander n'est plus qu'une hackeuse de génie se sortant de toutes les situations et de Mikael Blomqvist on ne retient plus que son intégrité légendaire et ses coucheries. Le roman n'a plus aucune saveur, et bien que Lagercrantz s'évertue toujours autant à nous balancer des séries de noms de villes suédoises imprononçables, on sent que cela pourrait se passer n'importe où, alors que l'identité scandinave était une des marques de fabrique essentielles de Millenium.

Ma note : °